Traduit par EllieVia
3071 mots
Erin se réveilla avec un grand sourire.
Ou plutôt, elle se réveilla puis se rendormit plusieurs fois jusqu’à ce que la lumière du jour se fasse trop forte pour qu’elle puisse l’ignorer. Puis elle finit par se lever et prendre son petit déjeuner, avant de faire un grand sourire.
Il lui vint tandis qu’elle était en train de se resservir en fruit bleu et qu’elle se rendit compte alors qu’elle utilisait les deux mains. Erin ne put s’empêcher de s’arrêter pour fixer sa main des yeux pendant un instant. Elle tâta la peau propre, lisse et indemne et sourit.
“Les potions de soin, c’est trop cool.”
Elle s’adossa à sa chaise, ferma les poings. Cela ne faisait pas mal. C’était incroyable à quel point ce n’était pas douloureux. Et elle devait ce miracle à un homme-fourmi géant et à un lézard — un Drakéïde. Comment s’appelaient-ils déjà ?
“Klbkch et… Drakéïde Quelque Chose.”
Erin soupira à ce souvenir. Elle avait du mal à s’en remettre.
“Sérieusement. Ils étaient tellement normaux. Mais visiblement, je suis normale aussi. Ou du moins, il y a d’autres humains dans le coin. Mais les niveaux ? Les classes ? Est-ce que je suis devenue une Aubergiste ? Est-ce que j’auberge ? Comment ça marche ?”
Puis elle se rappela autre chose.
“J’ai encore augmenté de niveau hier.”
Erin se tapota la poitrine. Elle avait l’impression qu’elle devrait y ressentir un sentiment d’accomplissement, mais elle se sentait juste vaguement rassasiée. Puis elle se souvint.
“[Artisanat élémentaire]. Autant essayer. De toute manière, je n’ai plus de fruits.”
***
Le voyage jusqu’au verger de fruits bleus fut sans histoires. Alors qu’Erin levait les yeux sur les fruits elle se demanda pour la première fois combien il en restait à manger. Elle les compta.
“On dirait que j’en ai encore pour quelques semaines avant que le stock ne soit épuisé. Mais bleh, ce serait dégoûtant de ne manger que des fruits pendant tout ce temps. Au moins, il me reste des ingrédients pour les pâtes si je peux trouver d’autres œufs.”
Mais qu’adviendrait-il lorsque son petit placard serait vide ? Quoi, alors ?
Erin tâta la poche de son jean et entendit le tintement des pièces. C’est vrai, elle avait un peu d’argent. Mais combien y avait-il ? Et plus important encore, comment pouvait-elle le dépenser ? Ce n’était pas comme si elle pouvait manger directement le métal.
En marmottant pour elle-même, Erin récolta des fruits bleus. Cela devenait pénible de tous les porter à la main. Elle en faisait tomber beaucoup, ce qui leur abîmait la peau et leur donnait un goût de fruit trop mûr. Donc, pourquoi ne pas essayer de fabriquer quelque chose ?
Erin regarda par terre. Elle avait… de l’herbe. Elle regarda les arbres. Elle avait du bois. Mais aucun moyen de le couper, donc ça ne lui servait à rien. Elle baissa de nouveau les yeux sur l’herbe. Quelque chose s’éclaira dans son cerveau.
“Voyons voir. Si je prends ce grand brin d’herbe et que je fais un nœud ici…”
Erin s’accroupit et se mit à ramasser les plus longs brins d’herbe et à tester leur solidité. Elle commença à faire des nœuds et à couper des choses avec son couteau. Elle se rendit compte qu’elle devait être entièrement concentrée sur sa tâche — elle ne pouvait pas se mettre en mode automatique, mais il y avait quand même une sorte de certitude en ce qu’elle faisait. Et en moins de vingt minutes, elle baissa les yeux sur ce qui s’avérait être un panier en herbe.
“Whoa.”
Erin souleva le panier et l’inspecta. Il était léger, mais solide. Elle jeta expérimentalement tous les fruits bleus qu’elle avait récoltés dedans et le souleva. Le panier d’herbe s’affaissa, mais la poignée tressée tint bon. C’était un vrai panier. Fait avec de l’herbe.
Est-ce que c’était ringard ? Oui. Voulait-elle danser avec des pompons sur une île déserte ? Oui. Est-ce que c’était une terrible idée à avoir ? Probablement. Et devrait-elle avoir honte d’elle-même à cette idée ? Elle l’était déjà. Mais elle avait un panier.
Mieux, elle avait un plan.
Que pouvait-on faire avec un panier ? Eh bien, on pouvait marcher en mangeant puisque ça gardait une main libre. Erin dénoyauta quelques fruits bleus et collecta également les noyaux. Puis elle alla chercher des œufs.
Trouver un nouveau nid lui prit presque une heure. Quand elle repéra une forme marron caractéristique accroupie dans les hautes herbes, Erin marcha à grands pas vers elle en faisant le plus de bruit possible.
Ce coup-ci, la créature qui bondit de l’herbe ne s’envola pas immédiatement. Au lieu de cela, le dino volant émit un crissement et plongea sur elle. Erin resta sur place, tâtonna dans son panier et jeta un noyau.
Elle rata son coup.
Mais le projectile effaroucha l’oiseau. Le ptérodactyle géant vacilla, puis s’envola alors qu’Erin continuait de lui jeter des noyaux. Elle rit d’un air triomphant et se précipita pour attraper les œufs. C’est ce moment que choisit l’oiseau pour faire demi-tour et elle se retrouva dans un tourbillon d’ailes, de coups de bec et de tentatives de morsure. Il n’avait pas peur des noyaux, finalement.
…
Erin ne s’arrêta de courir que lorsqu’elle fut certaine que le dino volant était parti. Elle s’arrêta et appuya sur l’une des nombreuses blessures de bec sur ses bras et son dos et essaya de ne pas crier.
“Saloperie.”
Une chance qu’il n’ait pas été plus gros. Erin avait réussi à le frapper plusieurs fois jusqu’à ce qu’il arrête d’essayer de lui arracher le visage avec son bec. Mais cela ne voulait pas dire qu’elle s’en était tirée indemne.
Erin émit un sifflement alors qu’elle appuyait sur une autre morsure. Elle ne voulait rien plus qu’aller y mettre un peu d’eau froide dessus. Dommage qu’il y ait eu d’autres rochers suspects sur le trajet. Il y en avait en réalité à peu près six, répartis un peu de partout dans la prairie. Eh bien, son tour n’avait pas marché sur les oiseaux, mais les Rochers-crabes c’était une autre affaire.
Sur le chemin du retour, Erin recouvrit deux des roches-crabes avec les noyaux gluants quand ils s’aventurèrent vers elle. Ils n’aimaient pas le liquide nocif qui éclaboussait leurs coquilles et faisaient marche arrière avec des clicks bruyants. Erin essuya le jus puant de ses mains et passa devant la horde, triomphale.
***
Il était un peu plus de midi quand Erin arriva à l’auberge. Elle avait fini par arrêter de saigner sur le chemin du retour. Elle était en train de passer la porte lorsqu’elle cligna des yeux, et vomit.
Les hauts-le-le-corps et les régurgitations s’arrêtèrent juste assez longtemps pour qu’Erin ait le temps de regarder la flaque de fruits bleus liquéfiés à ses pieds d’un air horrifié. Puis elle fut encore malade. Et encore.
D’une manière ou d’une autre, Erin parvint à atteindre le torrent. Elle avait alterné entre une marche rapide et des pauses vomi toutes les deux minutes pour arriver ici. Elle sauta presque dans le cours d’eau, tomba dedans et commença à frissonner. Quoi qu’elle ait attrapé, c’est ce moment qu’il choisit pour se déchaîner.
…
Elle passa l’heure suivante agenouillée dans le torrent, se gargarisant avec de l’eau, la revomir, et faisant attention aux poissons cinglés. Heureusement, ils n’avaient pas l’air de vouloir l’approcher. Pour tout dire, elle en vit un nager vers elle et commencer à mordiller le contenu de son estomac qui se faisait emporter par le courant. C’était dégoûtant.
Erin se rinça la bouche et les mains pour la dixième fois et sentit les tremblements et la nausée se dissiper un peu.
“Que… C’était quoi, ça ?”
Erin ne pouvait que marmonner alors qu’elle observait l’eau. Elle bougea la tête — pas tellement par désir de bouger, mais plus pour surveiller les dangereux poissons plats.
Le poisson qui avait été en train de manger son vomi flottait le ventre en l’air dans l’eau. Erin vit que les autres poissons l’évitaient autant qu’ils l’évitaient, elle.
“… Du poison. Ça ne peut qu’être ça.”
Mais était-ce le genre d’intoxication alimentaire rigolote où l’on avait le droit de remanger, ou plutôt le type d’empoisonnement qui vous faisait devenir tout vert et mourir ?
“Eh bien, qu’importe. Je me sens mieux maintenant donc j’y réfléchirai plus tard.”
Erin commença à retourner à l’auberge alors que la nausée disparaissait. Elle supposait qu’elle avait eu de la chance. Elle n’avait été terriblement malade que pendant une heure ou deux. Si c’était en réalité plus grave…
Erin s’arrêta et sourit. Grave ? Quand elle n’avait pas été en train de lutter pour survivre, oh, trois jours plus tôt, être aussi malade lui aurait fait garder le lit pendant une semaine.
“Et j’aurais eu toute une équipe de médecins pour me donner des kilos médicaments, aussi.”
Elle rit doucement. Puis son sourire disparut. Erin se recouvrit le visage d’une main.
Elle frissonna.
Puis elle reprit la route. Il commençait à faire sombre. Elle ne pouvait pas s’arrêter maintenant.
Elle n’était pas assez en sécurité.
…
La clef pour se distraire, c’était le mouvement. Erin s’activa dans l’auberge et resta occupée. Elle nettoya le vomi au sol, lava les assiettes du mieux qu’elle le put avec un peu d’eau, se servit des pâtes et apporta de nouvelles assiettes et couverts dans la salle commune. Puis elle rangea les œufs et les fruits bleus dans l’un des placards, monta à l’étage et nettoya quelques chambres. Elle s’activait, mais en réalité, elle attendait.
“Ils ont dit qu’ils allaient passer. Mais est-ce qu’ils le pensaient vraiment ou est-ce qu’ils sont juste occupés ? Dans tous les cas, je peux toujours faire plus de pâtes et en garder pour plus tard, pas vrai ?”
Elle avait une marmite pleine de pâtes dans la cuisine et elle s’était servi un plat de pâtes au beurre et du jus de fruit bleu avant de se rendre compte qu’il faisait nuit. Pleine d’espoir, Erin regarda à travers l’une des fenêtres, mais la prairie était déserte. Le ciel était tellement incroyablement vaste, et les étoiles tellement nombreuses. C’était magnifique, terrifiant. Erin aurait adoré voir cela quand elle était chez elle, mais ce qu’elle guettait vraiment, c’était deux silhouettes. Mais rien ne vint.
“Ils doivent être occupés.”
Soupira Erin. Mais il ne faisait pas encore tellement nuit. Elle pouvait attendre.
La jeune femme resta assise à sa table, l’estomac rempli, ses vêtements sales et déchirés, les paupières tombantes. Mais ses yeux se focalisaient régulièrement sur la solide porte de bois. Elle attendait.
***
Relc s’étira sur sa chaise dans les baraques de la Garde. Il n’y avait pas trop de monde si tôt dans la soirée, la plupart des gardes étant déjà partis ou ayant commencé leurs patrouilles du soir. Ceux qui étaient encore dans le bâtiment étaient presque tous des Drakéïdes, à part quelques gardes grands, poilus et humanoïdes. Et tous étaient occupés à leurs propres tâches.
Le Garde vétéran jeta un œil irrité à l’insecte géant penché sur la table à côté de lui.
“Tu as bientôt fini de pointer pour la journée ?”
“Presque.”
Klbkch ajouta une annotation précise à la plume sur une feuille de parchemin.
“Là. J’ai fini de signer pour nous deux. Encore une fois.”
“Super. Merci. Maintenant, ça te dit d’aller voir chez cette Humaine ? J’ai entendu…”
Une Drakéïde femelle cria sur Relc de l’autre côté de la pièce. Elle était plus petite que Relc, et portait une cotte de mailles et une épée. Elle s’approcha de lui.
“Il y a une rixe au marché. Va là-bas et mets un terme à la bagarre !”
“Quoi ? Un crétin a lancé une bagarre maintenant ? On allait retourner là-bas et…”
“Ferme-la et bouge-toi !”
“…Quelle plaie !”
“Quel dommage ! Allons-y.”
“Quelle corvée ! Allons boxer ces crétins à écailles en guise de cerveau en vitesse. Si ça se trouve, on aura encore le temps d’aller à l’auberge après.”
“Tu sais bien que nous devrons également rattraper ceux qui se seront échappés. Et il faudra évaluer les dégâts, régler les détails liés à la garde, enquêter sur les éventuels cambriolages qui auraient profité de la bagarre…”
“Aw.”
“Ne t’inquiète pas. L’Humaine ne va pas partir.”
“Je sais, je sais. Mais je voulais encore manger des pâtes et…”
“Relc !”
Le cri de colère fit grimacer Relc et il se couvrit les deux trous de part et d’autre de sa tête.
“Très bien, allons-y. Mec, je déteste vraiment la Capitaine.”
“Ne l’insulte pas alors qu’elle peut encore nous entendre.”
“Elle peut bouffer mes écailles. Allons-y et finissons-en.”
“Après toi.”
…
Erin s’assit au comptoir de l’auberge et attendit. Tout était parfait.
Enfin, tout était à peu près parfait. Ou du moins acceptable. Elle avait un panier de fruits bleus, des pâtes dans une grande poêle, et elle avait même un seau d’eau fraîche dans le torrent. Elle avait des assiettes et des couverts à peine tachés et somme toute, elle était prête à recevoir des visiteurs.
S’ils arrivaient un jour.
Ses yeux finirent par se fermer. Sa respiration se ralentit. Elle s’endormit en rêvant qu’elle était toujours bien éveillée, en train d’attendre.
…
Thump. Thump.
Erin se réveilla. Elle releva la tête et regarda autour d’elle, à moitié endormie. Il faisait sombre.
Thump. Thump.
Quelque chose était à la porte. Erin essuya la bave sur son menton et se leva de table. Elle avait dû s’endormir en attendant. Mais ils étaient arrivés. Elle chancela jusqu’à la porte et frissonna. Il faisait froid. Et même pas que froid. C’était… gelé ?
La poignée de porte était recouverte d’une fine couche de glace. Erin sentait quelque chose de gelé à travers la porte, et elle pouvait sentir sentir un vent coulis glacé se faufiler par la fente. Ou était-ce le frisson qui courait dans son dos ?
Thump.
Erin recula précipitamment. Ce n’était pas des coups polis. Quelque chose cognait la porte. Fort.
“Hey. Qui est là ?”
Elle aurait préféré que sa voix ne tremble pas autant.
“Un visiteur.”
Était-ce un chuchotement ? Non. C’était plutôt une sorte d’écho. On aurait dit une voix désincarnée émanant de milliers de miles d’ici. Aucune voix ne pouvait être aussi profonde, aussi glaçante.
“Hum. Nous sommes fermés. P… Pardon.”
La chose derrière la porte… pouffa. C’était probablement ça. C’était vaguement mouillé et gargouillant.
“Cela n’a point d’importance. Je requière sustentation. De la nourriture. Offrez-la-moi et je continuerai ma route.”
De la nourriture ? Du genre viande ? Erin tressaillit.
“Je n’en ai pas. Allez-vous-en !”
“Je ne tolérerai pas un refus. Ouvrez cette porte ou subissez mon courroux.”
C’en était trop pour Erin. Elle recula.
“Je vous préviens ! Entrez et je vous… je vous…”
Elle regarda les alentours d’un air désespéré. Il faisait trop sombre et elle avait oublié où elle avait mis les couteaux des Gobelins. Une arme. Elle avait besoin d’une arme.
“Ne provoquez point ma fureur. Si vous refusez cette simple requête, je vais…”
Elle n’attendit pas d’écouter ce que la voix allait lui faire. Elle pouvait imaginer. Elle courut plutôt dans la cuisine. Elle avait besoin d’une arme. Un couteau, un bout de bois, une spatule, n’importe quoi.
La main d’Erin trouva la poignée d’une poêle. Au même moment, le grincement du bois lui bloqua la respiration. Elle avait oublié. Elle avait été en train d’attendre Klbkch et son ami. Ce qui signifiait…
Que la porte n’était pas verrouillée.
Quelque chose était en train d’ouvrir la porte. Erin se jeta dessus et mit tout son poids derrière. Cela fit reculer la créature, mais elle ne pouvait pas fermer pleinement la porte. C’était dans le chemin.
“Ce n’est pas judicieux. Votre insolence vous en coûtera.”
La créature émit un sifflement. Elle pouvait l’entendre juste derrière la porte. Elle poussait, en essayant d’ouvrir la porte. Mais Erin était poussée par de la peur pure et elle parvint d’une manière ou d’une autre à garder la porte là où elle était.
“Maîtresse. Je ne demande qu’un peu de nourriture. Offrez-la-moi et je partirai.”
La créature squelettique passa sa main à travers la porte. Quelque chose de sombre coulait de ses os, éclaboussa le bois et disparut.
“Je ne souhaite pas me mettre en colère.”
Sa main était posée sur la poêle. Son cœur était mort dans sa poitrine.
“Non.”
“Non ?”
La monstruosité squelettique parut avoir un mouvement de recul. Elle ouvrit un peu plus la porte et une vapeur toxique s’infiltra.
“Dommage. Mais vous allez me sustenter dans tous les cas.”
Erin empoigna la porte et essaya de la fermer, mais la créature l’ouvrit à la volée. Elle tomba en arrière et la regarda, horrifiée.
Une chose pourvue de beaucoup trop d’os et de bouts de chair baissa les yeux sur elle. Elle dégageait une odeur épouvantable et une lumière cramoisie émanait de ses yeux.
“Donnez-moi ce que je désire. Ou je me verrai dans l’obligation de…”
Erin hurla et jeta la poêle.
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[Artisanat De Base] -> En 1.07 c’était [Compétence — Artisanat Élémentaire obtenu !]
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Ancienne traduction, en espérant que la lecture soit plus fluide mais restons indulgents…
Patience dans tous les cas, le tome 1 de la VO est en cours de réécriture, je vous reposterai le tome 1 quand il sera retraduit 🙂
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