1.10

Traduit par EllieVia

6188 mots

À un moment, Erin dormit. À un autre moment, elle se réveilla. Ces détails étaient cependant mineurs. Ce qui importait, c’était le bruit.

Toc. Toc.

Elle essaya vaillamment de l’ignorer. Mais il ne s’arrêtait pas, l’extirpant sans relâche de sa paisible plongée dans l’oubli.

Au bout d’un moment, les coups à la porte se firent trop puissants pour qu’elle les ignore. Erin ouvrit les yeux et s’assit. Le monde était beaucoup trop lumineux. Et bruyant.

Quelqu’un frappait à la porte. Erin songea à retourner dormir, mais les coups n’avaient pas cessé pendant les dernières minutes. Elle se leva donc avec réticence et ouvrit la porte.

“Qu’est-ce que tu veux ?”

Pisces le mage amical découvrit ses dents en un sourire éclatant.

“Salutations Bonne Maîtresse. Je me demandais si je pouvais m’imposer ce matin…”

Erin ferma la porte. Au bout de quelques secondes, elle la rouvrit.

“Moins de mots. Va droit au but.”

“Hem. Très bien. C’est ouvert aujourd’hui ?”

Erin jeta un œil aux alentours.

“Quoi donc ?”

“Toi. Cet établissement.”

“Ici ?”

Pisces cligna plusieurs fois des yeux. Il répondit avec beaucoup de prudence.

“Est-ce que l’auberge est ouverte ? Servez-vous de quoi se sustent… de la nourriture ? Je paie, je mange ?”

Erin le dévisagea froidement.

“C’est très tôt. Oui, je suppose que l’auberge est ouverte. Entre.”

Elle rentra d’un pas lourd. Un moment plus tard, Pisces la suivit.

“Je souhaiterais parcourir le menu si poss…”

Erin jeta une assiette sur la table et repartit. Elle revint avec quatre fruits bleus et les jeta également sur la table. Pisces contempla les fruits et ouvrit la bouche. Il vit l’expression d’Erin et ravala ce qu’il avait prévu de dire.

“Si je peux vous demander un couteau et une fourchette…”

Elle les claqua sur la table et s’éloigna. Elle aurait aimé retourner dormir, mais les bruits de Pisces en train de manger et les tintements des couverts sur la céramique étaient trop perturbants. Au lieu de cela, elle se servit également du fruit bleu et lança un feu pour réchauffer ses pâtes. Elle mâchonna le fruit sucré dans un silence austère.

Dehors, la pluie se mit à tomber.

…

La pluie. La pluie tombait des cieux comme de la grêle. C’était bien de la pluie, mais les gouttes en étaient beaucoup plus grosses et tombaient beaucoup plus fort que d’habitude. Le martèlement de la pluie sur le toit était presque assourdissant.

Presque. Derrière elle, Pisces posa son couteau et sa fourchette et soupira lourdement. Erin aurait voulu qu’il ne soit pas là. Ce n’était pas qu’elle dédaignait la compagnie de manière générale ; elle était en cruel manque de lien social. Mais elle aurait préféré que la compagnie en question ne soit pas Pisces.

“Ça, c’est de la pluie.”

Elle ne s’adressait pas spécialement à lui, mais il sembla prendre cette déclaration comme une invitation à bavasser.

“Cela arrive relativement souvent. C’est un phénomène météorologique naturel, tu sais.”

Erin se retourna et lui jeta un regard noir. Il haussa les sourcils et leva son verre.

“Un autre breuvage, si tu veux bien. Ma coupe est vide.”

“Où as-tu trouvé… interdiction de pénétrer dans ma cuisine.”

“Je suivrai cette règle avec plaisir. Mais j’ai bien peur d’être assoiffé et si tu voulais bien… ?”

Un tic agita la paupière d’Erin. Mais elle alla dans la cuisine et se servit également un verre. Elle ne lui servit pas son jus, mais posa simplement le pichet de l’autre côté de la table de sorte qu’il doive tendre le bras pour l’attraper.

“Est-ce qu’il pleut souvent comme ça ?”

“Rarement. C’est un motif météorologique saisonnier. Mais cette pluie en particulier est une aberration. Normalement, il pleut beaucoup plus longtemps, mais quelqu’un a déréglé la météo du coin. C’est pour cela que nous n’avons qu’un bref orage.”

Elle lui jeta un œil.

“Déréglé la météo ? Comment ça ?”

Il lui sourit d’un air narquois. Elle fut mécontente de noter qu’il en était déjà à son deuxième verre de jus.

“Par magie, qu’est-ce que tu voudrais que ce soit d’autre ? Un crétin peu prévoyant a dû jeter un sort de contrôle météorologique local. Impressionnant, je suppose, mais l’exécution est maladroite.”

Erin regarda par la fenêtre.

“Ça m’a en effet l’air impressionnant. Je veux dire, il pleut vraiment fort. Ne faut-il pas être un sorcier relativement puissant pour faire ça ?”

“Le terme adéquat est mage, Bonne Maîtresse.”

“Je m’appelle Erin, crétin.”

“Aha. Je vous prie d’accepter mes excuses. Mais si tu fais référence à l’un de mes congénères exaltés, le meilleur terme est mage.”

Erin le toisa. Il n’eut pas l’air honteux.

“Vous n’avez pas de sorciers, d’ensorceleurs ou… d’enchanteurs ? Des sorcières ? Vous êtes tous juste des mages ?”

“Disons plutôt que ces différents termes sont des titres pour des mages qui complètent certains prérequis ? Un enchanteur est un chercheur en arcanes qui étudie véritablement cet art. De tels individus sont semblables à moi, mais préfèrent étudier les branches de la magie les plus courantes. Ensorceleur est un terme plutôt simpliste qui désigne les autodidactes qui n’ont que peu d’éducation formelle. Les sorciers obtiennent leurs pouvoirs d’autres sources comme des invocations, et les sorcières pratiquent plusieurs écoles de magie, dont l’alchimie. Par conséquent, le terme de mage est le plus largement utilisé pour parler de ceux qui pratiquent la magie…”

Il s’arrêta. Erin était en train de le regarder d’un air blasé.

“Okay. Je n’avais pas besoin de savoir tout ça.”

Pisces haussa les épaules.

“Tu as demandé. Je ne faisais que remplir mon rôle d’invité.

“Cool. Pour toi. Du coup, c’est un… mage qui a fait ça ?”

“Oui. Et ce n’est pas comme si la tâche était particulièrement difficile. Je comprends que ça en ait l’air pour les non-initiés, mais un sort de ce type peut être facilement jeté par un mage de niveau 30. C’est un peu plus difficile, je suppose, pour un individu spécialisé.”

“Et… ?”

“Comme je le disais, ce n’est pas si impressionnant. Un bon nombre de mages pourraient lancer ce sort.”

“Toi, tu peux ?”

Pisces marqua une pause.

“Je suis spécialisé dans d’autres domaines.”

“Comme les cadavres.”

Il évita son regard et vida son verre.

“Ce n’est seulement qu’une autre branche de la magie, bonne maîtresse Erin.”

Erin le regarda. Elle ouvrit la bouche, mais entendit la porte claquer. Erin et Pisces se retournèrent alors qu’une silhouette trempée et sombre se faufilait dans l’auberge et ouvrait les bras en grand.

“Bien le bonjour, braves gens à sang froid, Humaine à sang chaud et… oh.”

Relc s’arrêta et regarda Pisces. Klbkch ferma la porte et s’inclina légèrement en direction d’Erin.

“Je vous prie de pardonner notre intrusion. L’établissement est-il ouvert ?”

“Quoi ? Oh. Oui.”

Erin ne trouvait pas ses mots. Relc était en train de toiser Pisces qui l’ignorait avec application en remplissant de nouveau son verre.

“Ça fait longtemps. J’imagine. Mais entrez. Ou plutôt, entrez mieux. Asseyez-vous. Vous voulez manger quelque chose ?”

“Si cela ne vous dérange pas.”

Klbkch s’essuya les pieds et s’approcha de la table. Relc regardait toujours Pisces.

“Tu t’es multipliée. Les Humains peuvent faire ça ?”

“Quoi ? Oh, non, c’est juste Pisces. Il est désagréable donc ignore-le.”

Elle fit signe à Relc de s’asseoir alors qu’elle allait chercher des assiettes à la cuisine.

Relc ne lâcha pas Pisces des yeux jusqu’à ce que Klbkch lui donne un coup de pied et le fasse asseoir.

“Il me semble que regarder les gens avec autant d’insistance est considéré comme impoli dans la plupart des cultures. Assieds-toi et cesse cette impolitesse.”

Relc le fusilla du regard et s’assit. Klbkch se détourna et adressa un hochement de tête à Pisces.

“Je vous prie d’excuser les manières de mon compagnon.”

Pisces agita sa fourchette d’un air léger.

“Je n’y ai pas prêté attention. La plèbe est un lourd fardeau à supporter, je pardonne facilement leur impolitesse aux personnes ignorantes et mal informées.”

Klbkch et Relc échangèrent un regard.

“Certes. Ce fut un plaisir de faire votre connaissance.”

“Les humains. Ils sont tellement…”

“Est-ce que vous voulez des pâtes ou du fruit bleu ?”

Erin émergea de la cuisine, tenant en équilibre une casserole brûlante de nouilles et plusieurs assiettes entre ses mains.

“Ah. Hem. Euh, ce que je voulais dire c’est que…”

“Je serais ravi d’essayer le fruit bleu. Je suis certain que mon partenaire muet en voudra aussi.”

“Ah oui. À manger. J’en veux aussi.”

“Et moi aussi. Une deuxième assiette et un peu plus de jus, si tu veux bien.”

Pisces agita sa fourchette. Erin le fusilla de nouveau du regard.

“Tu veux des pâtes ? C’est dans la cuisine. Va les chercher toi-même.”

Lui tournant le dos, Erin sourit à Relc et Klbkch.

“Alors, euh, rebonjour. Ça faisait longtemps que je ne vous avais pas vus. Klbkch et… ?”

Klbkch hocha la tête et Relc la regarda, plein d’espoir.

“Um. Uh…”

“Relc.”, murmura Klbkch.

“Relc ! Bien sûr, bien sûr.”

“Quoi ? Comment ça se fait que tu te souviennes du nom de ce crétin et pas du mien ?”

Relc avait l’air abattu. Erin rougit.

“Hem, désolée.”

“Je ne suis pas censé être le plus beau des deux ? Comment ça se fait ?”

“Désolée. C’est juste que… euh, tu sais. J’ai mauvaise mémoire.”

“Vraiment ?”

“… Non. Désolée. J’ai juste été très occupée pendant ces deux derniers jours.”

Il sembla se ratatiner. Erin essaya de le réconforter.

“J’ai encore plein de pâtes. Bon, elles sont vieilles, mais elles sont encore super bonnes ! Et j’ai plein de jus bleu. Et du fruit bleu ! Euh, ce n’est pas toxique si on mange juste la chair.”

“Oooooh, des pâtes !”

Relc se réjouit instantanément. Erin retourna chercher des pâtes et plaça deux assiettes fumantes devant les deux nouveaux arrivants.

“Je vous remercie.”

Klbkch hocha la tête à l’intention d’Erin et les deux commencèrent à manger. Entre deux bouchées, Relc jeta un œil à Erin, puis à Pisces.

“Alors, comment ça se passe ? Tu as encore augmenté de niveau ?”

“Eh bien, à ce propos, oui. Juste après que vous soyez partis.”

“Ooooh, félicitations ! Tu as gagné une nouvelle compétence ?”

“[Artisanat élémentaire]. Ça m’a permis de faire un panier en herbe.”

“C’est super pratique, ça ! La plupart des classes artisanes et artistes gagnent cette compétence tôt. J’imagine que les aubergistes sont un peu pareils, pas vrai ? Il faut prendre soin de l’auberge, réparer des fenêtres, des tables, tout ça.”

“J’imagine. Je n’ai jamais essayé et de plus, je n’ai pas de marteau. Pour tout dire, je n’ai jamais manié de marteau de ma vie.”

“Bah, si tu as la compétence, ce sera facile. Et tu peux acheter un marteau sans problème. Descends simplement à la ville et tu pourras en avoir un pour juste une pièce d’argent ou deux. Tu sais quoi, si jamais tu es dans le coin, je t’aiderai à avoir une réduction.”

“Vraiment ? C’est super généreux. Merci.”

Erin sourit d’un air hésitant à Relc qui lui rendit son sourire en engloutissant ses nouilles. Klbkch posa sa fourchette et hocha la tête à l’adresse de son compagnon.

“Pas tout à fait. Je crois bien que mon compagnon obtiendrait un petit supplément pour avoir amené une cliente.”

Relc jeta un regard noir à Klbkch.

“La ferme. Tu es obligé de dévaloriser tout ce que je dis ?”

“Je révèle simplement la vérité.”

“Eh bien… arrête.”

Erin se surprit à sourire alors qu’ils commençaient la dispute. Toutefois, elle était la seule à en être amusée. De l’autre côté de l’auberge, Pisces vida son mug et le claqua contre la table.

“Si ces charmants bavardages sont terminés, je signale que mon verre est vide. S’occuper des clients ne fait-il pas partie du service ?”

Erin le fusilla du regard. Relc aussi. Klbkch… eh bien, elle ne pouvait pas déchiffrer l’expression de l’homme-fourmi, mais il semblait afficher une désapprobation silencieuse.

“Sympa, ton client.”

‘Yup. Hey… ferme-la !’

Pisces haussa les sourcils.

“Quel manque cruel de courtoisie ! J’irai voir ailleurs, la prochaine fois.”

“Tu ne vas pas me manquer. En plus, tu as essayé de me cambrioler la dernière fois. Tu n’es que toléré ici, parce que j’ai pitié de toi.”

Il soupira et leva les yeux au ciel. Erin renifla et se demanda si elle devait remplir de nouveau son verre quand même, mais elle sentit quelque chose la piquer sur le côté. Elle cria et bondit hors d’atteinte.

“Désolé.”

“Ne… ne fais plus jamais ça !”

Erin se frotta les côtes là où la griffe de Relc l’avait piquée.

“Désolé. Encore. Mais… tu as parlé de cambriolage ? Du genre, le mec là-bas a essayé de te cambrioler ?”

La voix de Relc s’était transformée en une sorte de chuchotis sifflant et il lorgnait Pisces. Il n’aurait pas dû prendre cette peine. Pisces était toujours absorbé par son verre. Erin sourit d’un air malicieux et lui chuchota :

“Yup. La nuit dernière, un monstre effrayant a frappé à la porte. Mais quand je l’ai frappé avec une cass… une poêle, il s’est avéré n’être que Pisces. J’ai fini par le faire payer pour m’avoir effrayée et pour la nourriture.

“C’était de l’extorsion pure et simple.”

“La ferme ! Tu as de la chance que je ne t’aie pas simplement jeté dans le torrent pour te faire manger par les poissons !”

“Et… tu l’as laissé revenir pour le petit déjeuner ?”

“Eh bien… ce n’est pas comme s’il était dangereux. Juste agaçant.”

“Et tu n’as pas pensé à porter plainte ?”

“À qui ?”

Erin le regarda avec des yeux ronds. Il la fixa. Klbkch finit son assiette de pâtes et posa sa fourchette. Puis il fixa également Erin du regard.

“Oh. Oh. J’avais oublié. Et de toute manière, vous n’étiez pas là hier.”

Klbkch hocha la tête.

“C’est vrai. Notre absence était odieusement lamentable. Mais permettez-nous de faire notre devoir maintenant. Maîtresse Solstice, les pâtes étaient délicieuses.”

“Yup, elles sont top ! Attends deux secondes.”

Relc attrapa sa fourchette et se mit à enfourner les pâtes dans sa bouche. Il parvint à bourrer la moitié de l’assiettée dans sa gorge en une seule bouchée, et mâcha le reste en quelques secondes. Erin le regarda, fascinée, horrifiée et un peu envieuse de la manière dont il engloutissait son plat.

Ceci fait, Relc échangea un regard avec Klbkch. Puis il se tourna vers Pisces.

“Hé. Toi là-bas.”

PIsces releva la tête en fronçant les sourcils. Il fusilla Relc du regard en se raclant la gorge d’un air irrité.

“Vous désirez quelque chose ? Je ne fais pas de magie sur commande. Si vous cherchez un sort en particulier, je serai ravi de discuter de la rémunération… plus tard.”

“Vraiment ?”

Relc sourit de son côté de la pièce.

“Et si tu nous faisais le tour de magie où tu te transformes en monstre ? J’adorerais voir ça. Mieux, est-ce que tu aurais un sort pour éviter les ennuis ? Parce que tu vas en avoir besoin tout de suite.”

PIsces devint livide. Ses yeux s’égarèrent sur Erin, puis revinrent sur Relc et Klbkch.

“Ah. Je vois que la bonne aubergiste est rancunière. Eh bien, je ne sais pas ce qu’elle vous a raconté, mais je vous assure que je l’ai largement rémunérée pour rectifier mon… erreur. Rien qui ne concerne deux soldats tels que vous.”

“Oh, mais si, ça nous concerne ! Et tu te trompes, d’ailleurs.”

“À quel sujet ?”

Relc échangea un regard avec Klbkch. Il sourit. Ou plutôt, sa bouche s’ouvrit et il montra ses dents à Pisces.

“Nous ne sommes pas des soldats. Nous sommes des membres de la Garde.”

“Ah.”

Pendant un instant, Pisces resta parfaitement immobile. Puis dans une accélération subite, il bondit de sa chaise et courut vers la porte.

Le bras de Relc bougea. Erin ne vit qu’un mouvement flou et son bras vola en avant. Elle hurla et sa lance passa juste à côté de son oreille, mais ne frappa pas Pisces. Elle vola entre ses jambes et le fit trébucher. Il s’étala au sol et Relc repoussa sa chaise. Klbkch était déjà sur debout.

“Ne bougez pas. Vous êtes en état d’arrestation pour intimidation et tentative de vol. Restez immobile. Tout mouvement brusque sera suivi de dégâts physiques.”

D’un bras, Klbkch releva Pisces. Le mage ne se débattit pas alors que Klbkch le ramenait sur sa chaise. Relc sourit à Erin.

“Joli lancer, hein ?”

Elle essaya de répondre et n’émit qu’une sorte de couinement.

“Ou… oui.”

Relc écarquilla légèrement les yeux.

“Oups. Désolé, je t’ai fait peur ? J’avais oublié que les gens normaux n’ont pas l’habitude. Ne t’inquiète pas — je ne rate jamais ma cible.”

“Je n’en doute pas. Je n’en doute pas. Et je n’ai pas eu peur. Je suis juste… surprise.”

“Bien, bien.”

Relc tapota gentiment le dos d’Erin. Elle en tomba presque de sa chaise, mais se rattrapa à la table. Il ne remarqua rien. Relc s’approcha de Pisces et lui sourit.

“Je t’ai eu. Tu as essayé de m’échapper, pas vrai ? Personne ne m’échappe.”

Il se tourna vers son compagnon.

“Klbkch, tu as quelque chose pour l’attacher ?”

Klbkch secoua la tête.

“Je n’ai ni menottes ni corde ensorcelée. Il va falloir faire quelque chose à ce sujet. À moins que Maîtresse Solstice ait quelque chose pour l’attacher ?”

Klbkch se tourna vers Erin.

“Euh, non. Désolée.”

“Dommage. Mais on se débrouillera sans.”

“Je n’en doute pas. C’est un scandale !”

PIsces essaya de repousser Klbkch. Son visage était pâle et couvert de sueur, mais son ton était toujours aussi arrogant, bien qu’un peu forcé.

“Je suis innocent — en tout point. Ces accusations sans fondement sont fausses et…”

“Vous mentez.”, déclara Klbkch d’un ton catégorique, et sans l’ombre d’un doute.

“Les Gardes obtiennent la compétence [Détection de culpabilité] au niveau 15. Je détecte que tu te sens coupable, et cela justifie donc ton arrestation.”

“De plus, on en sait déjà assez sur toi et tes crimes.”

Relc croisa les bras et son sourire s’élargit encore. Ses dents étaient jaunes et très, très pointues.

“Ça fait un bout de temps qu’on te cherche, Monsieur le Mage. Ou devrais-je dire, horrible créature qui menace les voyageurs et les personnes vivant seules ? Ça fait bientôt un mois que tu dérobes de la nourriture et de l’argent. Ta tête est même mise à prix, et j’adorerais récupérer la récompense.”

Erin regarda Pisces, qui était devenu encore un ton plus pâle. Mais Relc n’en avait pas terminé.

“Okay. Je vais te dire ce qui va se passer. Mon ami et moi allons te traîner dehors, trouver un bâton ou un caillou pour te rouer de coups pendant un petit moment, puis te ramener à la cité pour récupérer la récompense. Puis on en donnera la moitié à notre charmante Aubergiste. Ça te va ?”

“Eh bien puisque vous me le demandez, je préférerais que…”

“Dommage !”

Relc fit craquer ses articulations. Erin, qui observait la scène avec fascination depuis un petit moment, leva la main.

“Hum. C’est mal, non ?”

“Mal ? Pourquoi est-ce que ce serait mal ?”

Erin chercha ses mots tandis que Relc lui faisait les yeux ronds.

“Il n’y a pas des lois ? Disons, pour empêcher que la police… la garde fasse du mal aux gens qu’ils capturent ? Du genre… ne pas frapper la personne une fois qu’elle est à terre ?”

Relc la regarda fixement. Puis il se tourna vers Klbkch.

“On a des lois de ce genre ?”

“Il me semble que c’est une règle communément adoptée par les Humains.”

“Oh, bien. J’étais inquiet, pendant un instant.”

“Oui, on ne voudrait pas gâcher le plaisir de brutes stupides dans votre genre.”

Répliqua Pisces avec mépris. Il semblait purement incapable de se taire même quand c’était pour son propre bien. Relc ferma le poing et il eut un mouvement de recul.

“Attendez, attendez.”

Erin attrapa instinctivement Relc par le bras. Au contact de ses écailles, elle faillit bondir. Sa peau, ou plutôt ses écailles étaient étonnamment fraîches et faciles à tenir. Mais c’était un contact tellement étranger pour Erin qu’elle se sentit secouée. Cela rendait la situation beaucoup plus réelle.

Relc baissa les yeux sur elle et lui fit gentiment lâcher prise. Il était tellement fort qu’il n’eut besoin que de deux doigts pour se défaire de son emprise.

“Ne t’inquiète pas, demoiselle. On va cogner dehors, tu n’as pas besoin de voir ça.”

“Ou… ou alors vous n’êtes pas obligés. N’est-ce pas ainsi que font les gentils gardes ? Vous pourriez simplement l’arrêter sans le passer à tabac, non ?”

“Ouais, mais il m’a traité de brute stupide. Je veux lui faire payer.”

“Oui, bon. C’est un trouduc. Mais enfin, tu es garde. Des insultes comme ça, y’en a à la pelle, non ?”

“Quelle pelle ?”

“Je pense qu’elle explique que les insultes dirigées à l’encontre de notre corps de métier sont très courantes.”

Expliqua Klbkch. Il chercha l’approbation d’Erin qui haussa maladroitement les épaules et lui sourit timidement.

“Quoi ?”

Relc avait l’air légèrement blessé. Ses yeux se plissèrent légèrement en direction d’Erin. Mais cela ne lui donna pas l’air méchant, juste triste.

“Les gens nous aiment. Tout le monde nous aime. On a un boulot vraiment important.”

“Oui, mais c’est un job pour lequel vous avez signé, non ? Je veux dire, je ne doute pas que ce soit un super boulot, mais… c’est juste un boulot, non ?”

Erin hésita. Relc la regardait d’un air ahuri.

“Ce n’est pas juste un boulot. C’est un métier extrêmement prestigieux ! On n’accepte pas n’importe qui dans la Garde. Et encore moins parmi les Vétérans !”

Erin cligna des yeux.

“Vraiment ? Je pensais que vous étiez juste… enrôlés.”

Relc eut un petit rire de dérision. Il se tourna vers Klbkch.

“S’enrôler ? T’y crois, ça ? Non, mais je te jure, ces humains.”

Klbkch ne paraissait pas surpris. Il mâchonna soigneusement un morceau de fruit bleu.

“Peut-être qu’il n’y aurait pas d’offense si l’on expliquait plus précisément notre fonction. Clairement, la nature des gardes diffère selon les cultures.”

“Pas faux. Mais bon, ça reste n’importe quoi.”

Erin croisa les bras. Pisces afficha un air méprisant et avala une nouvelle gorgée de jus. Il se mit à marmonner, mais Erin, Relc et Klbkch l’ignorèrent.

Relc soupira. Il gratta les épines au sommet de sa tête.

“Écoute, je ne sais pas comment ça se passe chez les Humains, mais dans notre cité, la garde, ce n’est pas une équipe de mercenaires ou de gardes du corps personnels. On ne s’enrôle pas. On doit être élus.”

“Vraiment ?”

“Vraiment. Tu vois, on doit avoir les votes d’au moins cinquante citoyens ordinaires avant de pouvoir prêter serment. Et pour devenir des Vétérans comme nous, il en faut au moins quatre cents. Impressionnant, non ?”

RElc sourit et sortit quelque chose de sa ceinture. Il montra à Erin un badge cramoisi bordé d’or et présentant deux rayures violettes. Il brillait comme un sou neuf.

“Sympa. C’est donc ton badge officiel ?”

“Ouais. On doit toujours l’avoir sur nous. Certains le portent sur le torse, mais il peut se faire arracher. De plus…”

Il frappa son torse nu.

“Ça ne colle pas bien sur les écailles. Et puis de toute façon, on doit payer une amende si on le perd, donc pourquoi prendre des risques ? J’en ai besoin que pour prouver qui je suis ou faire valoir mon rang, de toute façon.”

“Fascinant. Mais ça reste une simple élévation de statut d’une brute du commun dans tous les cas, non ?”

Lança Pisces à Relc d’un ton méprisant. Il avait l’air plein d’une confiance en soi renouvelée, tout à coup.

Relc lui jeta un regard noir.

“Tu restes en état d’arrestation. Je peux te frapper. C’est seulement par considération pour Mademoiselle Solstice ici présente que je ne le fais pas. Mais je vais le faire. Si tu ne la fermes pas.”

Les sourcils levés, Pisces mit un doigt sur ses lèvres.

“Excusez-moi. Je ne me permettrais pas d’interrompre d’illustres personnages tels que vous. Je vous en prie, poursuivez.”

Erin soupira et Klbkch émit un son qui s’en rapprochait. Relc, pour sa part, se gratta simplement la tête.

“Très bien. Dans tous les cas, on est les types armés et toi t’es juste le mage. Et même pas de haut niveau, ou tu te serais déjà téléporté.”

Klbkch hocha la tête.

“Ou nous aurais détruits d’une manière ou d’une autre. L’absence d’éclairs tombants du ciel ou de boules de feu le confirme.”

Erin se recroquevilla derrière la table.

“Vous êtes sûrs de ça ? Je veux dire, vraiment sûrs ?”

Relc lui fit un grand sourire. Avec beaucoup trop de dents.

“Ne t’inquiète pas, Demoiselle. Il ne présente pas une menace ou on l’aurait déjà assommé quand on a réalisé qui il était. On peut tous les deux dire si on est en danger ou que l’ennemi est puissant.”

“Ah bon ? Comment ça ?”

Pisces ricana dans son verre.

“Un observateur aguerri repérerait les faiblesses et les points forts de son ennemi et en déduirait ses futures actions et ses capacités. Ces deux-là préfèrent se reposer sur une compétence.”

Relc lui jeta un regard mauvais. Klbkch aussi, mais de manière plus subtile.

“Eh bien oui, en effet. On utilise tous les deux des compétences. Elles font partie de nos classes, bien que dans mon cas j’aie [Instinct de Survie] et que Klbkch ait obtenu [Évaluer l’Adversaire]. Mes écailles ne me démangent pas, donc ton ami Humain n’est pas très doué en magie.”

“Ce n’est pas mon ami.”

“Mais c’est un Humain.”

“Ce n’est pas…”

Balbutia Erin. Pendant ce temps, le sourire méprisant de Pisces s’amplifia et il découvrit ses dents, inconscient du danger.

“Ça, c’était parler comme un bon crétin ignorant. Qu’est-ce que tu connais de la maîtrise de la magie ? Mes pouvoirs ne sont peut-être pas associés à la confrontation directe, mais je t’assure que j’ai plus de pouvoir dans mes ongles que toi dans ton corps tout entier.”

Relc bondit sur ses pieds.

“Okay, ça suffit. Fermes les yeux, demoiselle…”

Pendant un instant, Erin hésita entre se mettre entre Relc et Pisces et plonger hors de portée. Klbkch prit la décision à sa place. Il attrapa Relc et le tira en arrière. Avec difficulté, certes, mais ces bras filiformes étaient plus musclés qu’Erin n’aurait imaginé.

“Détends-toi. Je préférerais ne pas faire de dégâts dans cet établissement. Pas plus que l’aubergiste, ou même toi, je pense.”

Relc hésita. Il regarda Erin, qui décida d’exprimer son opinion.

“Oui, on va se calmer avant que qui que ce soit ne soit blessé. Genre, moi.”

Erin attrapa la carafe de jus bleu et commença à remplir des coupes. Relc accepta un verre, le vida, puis en sirota un deuxième.

Erin allait remplir son verre, mais Pisces le couvrit d’une main.

“Ce… ce n’est pas nécessaire, bonne Maîtresse Solstice. J’ai étanché ma soif pour le moment.”

Les yeux de Relc lançaient toujours des éclairs.

“Peuh. Tu devrais boire. Ce sera la dernière bonne chose que tu auras avant un bon moment. Attends, qu’est-ce que je raconte ? C’est trop bon pour toi, ça. Souviens-toi juste bien de ce que tu as raté quand on te mettra derrière les barreaux.”

“Si vous en êtes capables.”

Erin fit les gros yeux à Pisces. Il affichait toujours ouvertement son mépris, et elle ne savait pas pourquoi. À en juger par la tête de Relc, il était à deux doigts de transformer son visage en steak haché.

Relc fronça les sourcils. Il ferma le poing et Erin vit tout son bras onduler. Elle avait déjà vu des mecs musclés, ce n’était pas particulièrement impressionnant, à son opinion, mais ça…

“La dernière fois que j’ai regardé, tu étais à portée de bras. Ce qui veut dire que tes jolis tours de magie ne pourront rien faire si je décide de t’éclater la cervelle. Crois-moi. Je l’ai déjà fait.”

Pisces ne sembla pas plus affecté par les menaces de Relc.

“Je suis un mage puissant bien au-delà de tes capacités. Même si tes misérables compétences sont incapables de détecter mes capacités, tu ferais bien de te méfier de mes talents cachés.”

Klbkch bougea légèrement la tête. Son expression ne changea pas beaucoup, mais là encore, il n’y avait pas grand-chose à changer.

“Quel genre de talents cachés ?”

Pisces se redressa légèrement sur sa chaise.

“J’ai étudié d’innombrables écoles de magie. Vous avez devant vous un mage versé dans la maîtrise des éléments, un tisseur d’illusions, un invocateur raffiné, un maître en alchimie, en pyromancie, en aéromancie, en géomancie…”

“Et en nécromancie.”

Intervint obligeamment Erin. Pisces s’étouffa sur ses mots. Il la fusilla du regard. Elle haussa les épaules.

“Quoi ? Tu me l’as dit hier. Oh, et c’est toi qui as volé le squelette à l’étage ? Je viens de réaliser que ça devait probablement être toi.”

Le sourire méprisant s’effaça d’un seul coup du visage de Pisces. Il avait l’air mal à l’aise. Relc, d’un autre côté, découvrit immédiatement ses dents en un grand sourire.

“Bien, bien. Vol de corps et réanimation, sans aucun doute. C’est encore une grosse ligne sur la liste des charges. Mais si on parle de nécromancie, eh bien, cela signifie qu’on n’a même plus besoin de te ramener vivant.”

ERin ouvrit la bouche et Relc agita une main.

“Oui, oui, je sais. Mais on va juste de cogner et te ramener afin que Mademoiselle Erin ne voie rien de choquant. Mais tu es dans de sérieux ennuis, maintenant, Monsieur le Nécromancien.”

“Oh, vraiment ?”

Pisces se rassit. Il était toujours livide, mais il avait l’air bien plus confiant qu’il n’avait aucun droit de l’être.

“Que vous sachiez mon identité ou non, je suis sûr que vous allez vous rendre compte que ma capture ne sera pas une tâche facile.”

RElc cligna des yeux. Il gratta les épines sur sa tête puis secoua doucement la tête.

“Les Humains. Vous êtes tellement tarés et arrogants. C’en est presque drôle. Si tu es un mage tellement puissant, esquive ça.”

Il balança sa lance, manche en avant. Mais là où la lance aurait dû frapper Pisces sur la tête, elle traversa simplement le vide. Pisces avait soudainement disparu.

“Qu’est-ce que… ?”

Relc cligna des yeux. Erin resta bouche bée. Klbkch fouetta immédiatement l’air autour de la chaise avec son épée, mais il ne rencontra aucune résistance.

“Il est parti.”

Relc tâta l’air où Pisces avait été quelques secondes plus tôt avec sa lance et poussa un grognement de fond de gorge. Erin était figée de stupeur.

“Il n’est pas invisible ? Il a fait ça, une fois.”

Relc secoua la tête avec colère. “Non, je pourrais le sentir s’il était à quelques pas de moi. Non, c’était une illusion. Et vachement maline, avec ça. Il a prétendu être avec nous pendant que nous étions occupés à papoter.”

Klbkch se tourna vers la porte.

“Je n’ai aucune certitude sur le moment où il est parti. Il a pu s’échapper quelques minutes plus tôt. On peut encore le rattraper si on se dépêche.”

“C’est vrai, c’est vrai.”

Relc jura et balaya furieusement l’air avec sa lance. Le woosh qui en suivit était absolument terrifiant. Erin retint son souffle, par peur qu’il la lâche et la blesse accidentellement.

Klbkch se tourna vers elle et inclina la tête.

“Merci de nous avoir informés de sa classe, Maîtresse Erin. Bien qu’il ne soit pas une menace pour Relc ou moi, il est bien plus dangereux que nous le pensions.”

“Vraiment ? Je pensais… il n’avait pas l’air dangereux. Je veux dire, je l’ai assommé avec une casserole.”

“Oh, il n’est probablement pas plus dangereux qu’une grenouille en combat à mains nues. Ce n’est pas le problème.”

Relc secoua la tête.

“Nous pensions que ce n’était qu’un simple illusionniste. C’est agaçant, mais à part effrayer les gens pour leur dérober des trucs, ça ne peut pas faire grand-chose. Mais un nécromancien, c’est une autre histoire. Bien pire. ON aurait pu le laisser partir si c’était juste un mage ordinaire, mais maintenant il faut qu’on le trouve et il le sait.”

“Pourquoi ?”

Relc marmonna quelque chose dans sa barbe. Il était toujours en train de jeter des coups d’œil dans la pièce et sa langue dardait hors de sa bouche, comme s’il goûtait l’air. C’était la première fois qu’il lui faisait penser à un lézard de son monde.

“Un nécromancien dévoyé en liberté peut faire des choses terribles. Même de bas niveau, si on lui donne assez de corps, il peut décimer un village, et ils augmentent rapidement de niveaux quand ça arrive. On va devoir le pourchasser. Si on ne peut pas l’attraper aujourd’hui, je demanderai à la Capitaine d’envoyer plusieurs patrouilles dès qu’on arrivera à la cité.”

Erin hocha la tête. Puis elle hésita.

“Du coup. Est-ce que vous allez revenir… bientôt ?”

Relc acquiesça.

“Dans moins d’une heure, mais on ne pourra pas rester. Désolé. Je vais essayer de faire se dépêcher la patrouille de sortir, mais tu sais comment ça fait. On doit changer les quarts des gardes en patrouille, lancer des pisteurs, armer les gardes, etc.”

“Oh. Okay. Mais euh… ça met combien de temps pour aller à la ville ?”

“Nous devrions pouvoir parcourir la distance en environ dix minutes en courant.”

Relc hocha la tête pour marquer son accord.

“Il faut donc qu’on y aille. Pourquoi ? Tu as peur qu’il t’attaque ?”

“Non, c’est pas ça. C’est juste que… la ville.”

“La ville ? Qu’est-ce qu’elle a la ville ?”

“Hem. Où est-elle ?”

Relc et Klbkch la regardèrent en silence puis échangèrent un regard.

“… Tu veux dire que tu ne sais pas où c’est ?”

“Non. Pourquoi, je devrais ? C’est pas comme s’il y avait un panneau ou quoi que ce soit dans le coin.”

Relc prit un air amusé.

“Ne sois pas condescendante. Mais elle est facile à repérer. Regarde, on la voit de la fenêtre là-bas.”

Il marcha vers ladite fenêtre et pointa le doigt au loin. Erin plissa les yeux.

“… C’est le point noir là-bas ?”

“Bah oui. C’est pas évident ?”

“Non, vraiment pas. Ça pourrait être un caillou.”

“Ce n’est pas un caillou. Pourquoi peines-tu à me croire ? Tu ne vois pas les bâtiments ?”

“Non, je ne les vois pas.”

“Je ne pense pas qu’elle soit en mesure de les voir, si je peux me permettre.”

Relc et Erin se tournèrent pour regarder Klbkch. Il l’étudia puis approcha son visage du sien. Erin vacilla quand son visage se rapprocha.

“N’aie pas peur. Je ne te veux aucun mal.”

“Désolée… désolée. C’est juste les mandibules. Et les yeux. C’est juste que… désolée.”

Relc éclata de rire.

“T’inquiète pas pour Klbkch. Il est moche même pour une fourmi. Mais tu ne peux vraiment pas voir la ville d’ici ?”

Klbkch acquiesça. Il semblait concentré sur les yeux d’Erin.

“Je crois bien que les Humains ont une vision bien plus limitée que toi ou moi.”

“Quoi ? C’est débile.”

Relc s’enorgueillit tout seul. Il pointa à travers la fenêtre sur le point noir.

“Écoute, la cité est de ce côté. C’est seulement vingt minutes de marche et il n’y a pas beaucoup de monstres sur le chemin. En plus, dès que tu seras à quelques kilomètres la zone est régulièrement patrouillée donc tu ne devrais pas avoir de problèmes. Et si les crétins cherchent à t’arrêter à l’entrée — ce qu’ils ne feront pas — dis-leur juste que tu me connais.”

Klbkch acquiesça.

“Ou que tu me connais, moi. Cependant, tu ne devrais pas avoir de problème. Liscor n’a pas de problème avec ceux qui n’ont pas de dossier criminel.”

“En parlant de ça… faut vraiment qu’on y aille. C’est mon jour de congé, mais on doit signaler ce crétin de mage amoureux des vers aux baraquements. Si on bouge rapidement, on pourra l’attraper avant qu’il ne soit trop loin.”

Relc était debout. Il bougeait tellement vite qu’Erin en resta bouche bée. Un moment il était assis, la seconde suivante il avait la main sur la poignée.

“Hey, Klbkch, tu viens ?”

Et d’un seul coup, Klbkch était aussi à la porte. Si Erin n’avait pas vu une ombre bouger près d’elle et senti le coup de vent, elle aurait juré qu’il s’était téléporté.

“En effet. Il est malheureux que nous devions nous en aller si tôt. Toutes nos excuses, Maîtresse Solstice.”

“Je… Pas de problème.”

“Très bien. Allons-y.”

Klbkch hocha la tête dans sa direction. Relc lui fit un signe de la main et disparut. Erin se retrouva assise devant une table pleine d’assiettes et dans un état de choc modéré.

Elle venait juste de ramasser la première assiette quand la porte se rouvrit à la volée. Elle sursauta, mais Relc lui fit un grand signe de la main.

“Oh, désolé, on a oublié de payer. On est pressés donc… mets-le sur notre ardoise !”

La porte se referma. Erin la regarda avec espoir, mais elle resta fermée.

“… Quelle ardoise ?”

 

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