3.11 E – Partie 1

Traduit par EllieVia

6533 mots

Jour 31

Je m’éveille en entendant les pleurs. Ce n’est pas Durene. Elle dort à mes côtés, ou plus exactement à quelques pas de moi, sur le plancher de sa chaumière. Nous avons beau être proches, nous dormons un peu séparés. Durene roule parfois sur elle-même dans son sommeil, et je n’ai pas envie de me faire écraser comme un insecte une deuxième fois. Sans compter qu’il est particulièrement difficile de la réveiller quand elle dort profondément.

Prudemment, doucement, je roule sur mon côté du lit en essayant de ne pas réveiller Durene. Elle a besoin de repos, et si elle savait que j’étais réveillé, elle serait aussitôt aux petits soins pour moi et trop soucieuse pour se rendormir. Je frissonne en sentant mon épaule toucher le sol froid de la chaumière de Durene. Je me lève vivement et cherche mes vêtements à tâtons pour repérer les sous-vêtements et les pelisses que j’avais placés à côté de ma tête en dormant.

C’est un peu trop difficile à mon goût ; je n’arrête pas de tomber sur ce que je crois être un manteau et de tirer sur ce qui s’avère être la chaude couverture que Durene et moi partagions. Le problème vient en partie du fait que je n’arrive pas à déterminer où s’arrêtent les vêtements et où commence le lit de Durene.

Mon amie et hôte Durene ne possède pas de vrai lit ; ce n’est qu’une paillasse confectionnée à partir de couvertures douces et d’oreillers. Je comprends pourquoi ; toute surface surélevée céderait probablement sous son poids, et même un lit king size ne serait pas vraiment assez grand pour elle. Durene n’est pas une géante, mais elle est une Demi-Trolle, et cela signifie qu’elle fait facilement deux mètres, voire plus. Je ne peux qu’émettre des hypothèses ; je fais moi-même à peine plus d’un mètre quatre-vingt, et c’est à partir de là que j’ai établi mes estimations.

Vêtu de pied en cap, mais sans chaussettes, je frissonne en tâtonnant dans la pièce. J’ai toujours froid, malgré les nombreuses épaisseurs dont je suis enveloppé. Je tâte une fenêtre et effleure un volet de bois, froid et gelé. C’est vrai. Durene n’a pas de vitres.

Mais je n’ai pas besoin de sortir pour sentir le froid qui émane de la fenêtre. Et le charmant petit feu que Durene nous avait fait la veille s’est éteint, braises comprises. L’hiver est bel et bien là.

Normalement, ça ne me ferait rien. Je me serais réveillé plus tard, et j’aurais aidé Durene à préparer le petit déjeuner. Mais aujourd’hui, c’est différent. Je marque une pause dans ma chasse à la chaussette et lève la tête.

“Voilà que ça recommence.”

Mes mots ne sont qu’un chuchotis. Quelqu’un est en train de pleurer. Ce n’est pas vraiment quelqu’un, d’ailleurs, mais quelque chose. Je sens bien que ce n’est pas une personne qui se trouve dehors, mais plutôt un animal. Il piaille. Je crois qu’il s’agit d’un oiseau, mais au bruit, il me semble bien différent de tous les cris d’oiseaux que j’aie jamais entendus chez moi. Bien plus inquiet et… désespéré.

Oui, un oiseau. Mais là encore, je tire peut-être une conclusion trop hâtive. Je crois qu’il s’agit d’un oiseau, mais étant donné que je me trouve dans un monde fantastique, ne pourrait-il pas s’agir plutôt d’un homme ou d’une femme-oiseau ? Existent-ils ? Il faudra que je pose la question à Durene à son réveil.

Qu’importe, cette créature est de toute évidence dans une certaine détresse pour l’annoncer si bruyamment. Je serais le premier à admettre que je suis plus sensible au bruit que Durene, mais cet oiseau m’a réveillé alors que j’étais en plein sommeil. Et c’est bizarre, mais j’ai un désir impérieux d’aller le voir. Et je sais même où se trouve cet… oiseau.

“Très étrange.”

Mes chaussettes sont enfilées, et mes chaussures confortables sont lacées. J’hésite, la main posée sur la porte, en me demandant ce que je fabrique. Il neige dehors, et même si j’ai ma canne blanche à la main, je sais d’expérience à quel point il m’est aisé de me perdre.

Mais la créature gémit de nouveau, et je pousse la porte et la franchis avant d’avoir pu m’en empêcher. Après tout, je pourrai simplement rebrousser chemin si je ne pars pas trop loin. Ce n’est pas si loin que ça — et je peux toujours appeler Durene.

Ce ne sont que des excuses, je le sais bien. Mais je n’ai d’autre choix que de suivre cet instinct. Je referme donc silencieusement la porte afin de ne pas réveiller Durene et sors dans la neige.

Elle est épaisse. Je manque de trébucher en m’y enfonçant d’une trentaine de centimètres. Merde, l’hiver ici, ce n’est pas de la rigolade. Et Durene m’a expliqué qu’il pouvait neiger encore beaucoup avant la fin de la saison. Je tâte la neige devant moi, mais ma canne ne sert à rien par ce temps. J’émets un bruit de gorge dégoûté, mais tout de même…

“Un rocher droit devant ?”

Non. Ce n’est que mon imagination. Mais j’avance de quelques pas prudents et ma canne s’enfonce dans la neige et dévoile…

Un rocher. Oui, un rocher. Soit ça, soit une espèce de légume fossilisé. Nah, c’est juste un rocher. Mais comment ai-je su qu’il se trouvait là ?

Une demi-douzaine d’explications surgissent dans mon esprit, mais je n’ai pas le temps d’y réfléchir. L’oiseau pousse un nouveau cri, et cette fois-ci, j’arrive à déterminer qu’il provient du sol, un peu devant moi sur la gauche, à la lisière de la forêt qui entoure la chaumière.

“Oui, oui. J’arrive.”

Sans plus me servir de ma canne, j’avance à grands pas dans la neige avec une assurance que je n’avais plus ressentie depuis longtemps. Je sais que je marche tout droit dans le jardin gelé de Durene, et je sais aussi quelles sont les zones glissantes, et même qu’elle a semé plusieurs graines pour l’année prochaine qui hivernent sous la glace — et qu’il y a une botte de navets qu’elle a oublié d’arracher. Je contourne sa barrière, m’approche d’un arbre, et m’arrête.

Comment diantre ai-je réussi à faire ça ? Ce n’est pas comme si j’avais pu voir — je n’ai jamais vu de ma vie, mais je sais qu’il faut se servir de ses yeux pour ça, et les miens étaient restés fermés tout du long. Mais je savais où se trouvaient les différents obstacles. Et pourtant, je m’arrête ici, en bordure de la zone où ma… perception du paysage s’arrête. Oui, c’est comme s’il y avait un grand cercle autour de la chaumière de Durene que j’étais capable de sentir, et derrière, le néant.

Et au pied d’un arbre, je sens un mouvement inquiet, une vie ténue. Et mes oreilles le confirment lorsque j’entends la créature pousser un cri paniqué à mon approche.

“Qu’est-ce que c’est que ça ?”

Des branches brisées. Des brindilles, des fientes d’oiseaux, des os… les débris restants d’un nid. Et par terre…

Je tends la main et quelque chose me donne un coup de bec. Je pousse un glapissement en retirant vivement ma main, et l’oisillon pousse un nouveau cri, appelant ses parents. Mais s’il avait des parents, il ne serait pas seul. Frissonnant, je prends donc rapidement une décision.

“Allons, ça suffit.”

L’oiseau pousse un cri d’alarme et tente de s’échapper, mais il est bien trop faible et transi de froid. Je le ramasse vivement sans prêter attention à ses protestations. Il me donne de nouveau un coup de bec, mais cette fois-ci n’atteint que mes gants. Je retourne à la chaumière de Durene en réfléchissant furieusement.

Des oiseaux tombés du nid ? Sans aucun doute. Qu’arrive-t-il aux oiseaux quand ça se produit ? Je sais qu’il vaut normalement mieux le remettre dans son nid, mais si le parent est parti ? Il est peut-être simplement indépendant ?

Non — je tâte délicatement l’oiseau qui pousse un nouveau piaillement anxieux et révise mon opinion. Je ne sens aucune plume, que du duvet. Ce n’est pas un jeune, un oiseau à moitié adulte. C’est un petit poussin, ou autre terme équivalent adéquat. Je ne suis pas ornithologue.

Et je remarque deux autres choses : l’oiseau est plutôt grand pour un bébé. Et il a également très froid. Il frissonne ; combien de temps est-il resté dehors dans la neige ? Je me hâte de rentrer à la chaumière.

Un grondement sourd fait instantanément taire l’oiseau dans mes mains. Je souris en entendant les ronflements de Durene ; elle ne m’a même pas entendu rentrer. Bah, elle risque de devoir se réveiller bientôt dans tous les cas.

Parons déjà au plus pressé. Je ne prends pas la peine de tâtonner pour trouver quoi que ce soit : je me contente de me retourner pour saisir un bol sur l’étagère de Durene. Là encore, je sais exactement lequel sera de la bonne taille pour l’oiseau, et en un tournemain, je l’enveloppe délicatement dans une serviette, à la fois pour le réchauffer et pour l’empêcher de s’enfuir. L’oisillon tremble. Il pense sans doute que je vais le manger.

Eh bien, manger est une bonne idée, pour lui comme pour moi. Je scanne mes alentours, et trouve un peu de pain. J’en coupe quelques tranches, là encore avec une assurance que je n’aurais pas d’ordinaire, et propose quelques morceaux émiettés à l’oiseau. Il esquive ma main, puis je sens un picorement prudent toucher ma peau nue. L’oiseau trouve une miette, semble la goûter, puis recrache le truc mouillé dans ma main.

“Huh ?”

C’est bizarre, ça. Les oiseaux n’aiment-ils pas tous le pain ? Je fronce les sourcils et fais une nouvelle tentative. Mais cette fois-ci, l’oiseau glousse simplement lorsque je lui pousse les miettes sous le bec, et ne les touche pas, même lorsque je lui en dépose quelques-unes dans le bol.

“Mince. Quel genre d’oiseau es-tu ?”, maugréé-je en passant au plan B : réchauffer la pièce. Durene a empilé du bois de chauffage dans un coin, mais jusqu’à aujourd’hui, je la laissais faire le feu. J’aime à me croire relativement compétent, mais c’est quand même une mauvaise idée de demander à l’aveugle de tripatouiller le feu.

Mais là encore, je sais avec certitude où se trouvent les choses, et même si je ne peux pas voir l’emplacement de la cheminée, je sais où elle se trouve. Presque comme un… souvenir ? Ou un fait. Dans tous les cas, mes mains restent fermes lorsque je commence à entrechoquer les silex et je finis par allumer le petit bois.

“Le feu, c’est fait.”

Et ensuite ? Je nourris un peu les flammes et souffle dessus pour les rendre plus brillantes, si c’est bien comme ça que ça marche. Je me dis que si l’oiseau ne compte pas manger, moi si. Il y a des œufs dans un panier que Durene a rapporté du village, mais je me sentirais coupable d’en manger tout de suite. Et pourquoi pas… hum ?

De la saucisse ?

Oh, oui, il y a une demi-saucisse sèche dans le garde-manger de Durene. Je sais qu’elle la garde de côté pour une occasion particulière ; la viande est un luxe pour elle. J’hésite un peu en la sortant. Peut-être juste un morceau ? Un peu de saucisse revenue à la poêle me plairait beaucoup, mais est-ce que je peux… ?

L’oisillon se met soudain à piailler et à faire tout un boucan lorsque je passe devant lui avec la saucisse. Je fronce les sourcils, m’arrête, et arrache maladroitement un morceau de viande.

“Tu veux ça ? Vraiment ?”

Je sais que les petits oiseaux mangent de la viande. Je veux dire, ils mangent des insectes. Mais je pensais qu’ils aimaient les graines et les plantes davantage que… vous savez quoi ? Je ne vais pas contester les faits, surtout que l’un de ces faits est en train d’essayer d’arracher le morceau de viande de mes doigts.

L’oisillon dévore avidement le premier morceau de viande que je lui tends, puis le suivant. Médusé, je trouve un couteau et découpe une belle portion de saucisse en morceaux de la taille d’une bouchée pour nourrir l’oisillon. Il engloutit les bouts — tellement vite que j’ai peur de le nourrir trop et de le rendre malade ! Je m’arrête après lui avoir offert près d’un quart de la saucisse, mais l’oisillon se met alors à piailler pour que je lui en donne encore !

“Tais-toi, enfin !”

Il ne m’écoute pas. Et quel bruit il fait ! On dirait davantage un sifflement qu’un cri. Cela ne ressemble en rien aux cris des moineaux et de l’éventuel canard qui passaient devant chez mes parents. Mais il me semble tout de même familier…

“Huh ? Quessèça ?”

Je pousse légèrement l’oisillon braillard d’un doigt.

“Et voilà que tu réveilles Durene, à présent. Beau travail, dis donc.”

“Laken ? Que se passe-t-il ? Pourquoi es-tu levé et… qu’est-ce que c’est que ça ?

Je me retourne et souris à Durene. Sa voix confuse et la façon dont elle s’approche maladroitement de moi… je les connais par cœur, à présent. C’est drôle, mais après ce mois passé à vivre en sa compagnie, je la connais si bien.

“Bonjour, Durene. Désolée de t’avoir réveillée, mais nous avons un invité.”

“Est-ce un oiseau ? Et… ma saucisse ?”

Elle semble consternée, mais après avoir écouté mes explications, elle n’est que trop heureuse de m’aider à préparer le petit déjeuner et à jouer aux détectives. Elle commence par pousser des exclamations ravies en voyant la façon dont je suis capable de l’aider à préparer le repas d’aujourd’hui ; une soupe d’oignons, de poireaux, de pois, et de choux. Un potage, plus précisément. Il est librement assaisonné de thym séché et d’ail et le goût n’est pas mal du tout. Certes, c’est un bien piètre repas sur lequel tenir chaque jour, mais je suis bien assez content de le manger.

“Comment arrives-tu à savoir où tout se trouve ?”

Durene reste perplexe tandis que je verse adroitement de la soupe dans un bol et le pose sur la table, à côté de l’oisillon agité. Je secoue la tête, et ne peux m’empêcher de sourire largement.

“Je n’en ai aucune idée. Ça doit provenir de ma Classe !”

“Mais comment ? Je croyais qu’un [Empereur] régnait. Pourquoi pourraient-ils voir les choses ? Sans leurs yeux, je veux dire.”

“Ce n’est pas exactement la même chose.”

Je prends délicatement une cuillerée de soupe dans ma bouche et réfléchis en mâchant.

“C’est forcément que — je crois qu’on a mis trop de thym, Durene — ça doit être dû au fait que c’est là une partie de mon domaine. Ou plutôt… de mon fief.”

“Ton… quoi ?”

“Mon fief. C’est un autre mot pour dire, eh bien, des terres qui appartiennent à quelqu’un. Je sais que c’est ta chaumière, Durene, mais je l’ai revendiquée en devenant [Empereur].”

“Je le sais. Et je suis heureuse de te laisser, euh, la prendre.”

“Merci. Mais cela signifie que je possède une partie du terrain, pas seulement la chaumière. La terre, le ciel… ça doit être la raison pour laquelle j’arrive à sentir où aller. Parce que c’est à moi.”

“Oh.”

La voix de mon amie est un soupir émerveillé. Un soupir bruyant, qui fait piailler d’inquiétude l’oisillon posé sur la table à côté de moi. Je me redresse en entendant l’étrange cri et fronce de nouveau les sourcils, titillé par la même idée.

“C’est un bien étrange oiseau, cela dit. Je le sens, mais j’ai bien peur que malgré mes nouvelles… capacités… je sois incapable d’en déterminer la nature. Durene, à quoi ressemble-t-il ?”

J’entends Durene se lever anxieusement et faire les cent pas autour de l’oisillon. Elle se rapproche de moi et semble se pencher en avant, car l’oisillon lui picore le nez.

“Aïe !”

“Attention. Il est plutôt violent, pour un bébé. C’est bien un bébé, n’est-ce pas ?”

“On dirait, oui. Il a une semaine… non, peut-être deux ? Mais il est vraiment gros… j’ai cru que c’était un jeune, de prime abord, mais comme tu le disais, il n’a pas de plumes.”

“Un gros oiseau…”

Sesame Street ? Non, concentre-toi, Laken. Mais maintenant que j’y pense, il existe peut-être des oiseaux qui ne volent pas aussi grands que Big Bird dans ce monde. Ça, c’est une idée terrifiante.

“Que vois-tu d’autre ?”

“Hum. Eh bien… il a une couleur bizarre. Une espèce de… eh bien, de gris sombre. Presque verdâtre.”

“Du duvet vert ?”

Ça ne veut pas dire grand-chose pour moi, même si je ne connais aucun oiseau vert. Mais les oisillons ne ressemblent en rien à leur forme adulte.

“Eh bien, je l’ai trouvé par terre. Je crois que le nid où il était est tombé de la branche. Ses parents sont peut-être encore dans le coin et on peut le leur ramener.”

Je me lève et Durene et moi laissons l’oisillon derrière nous pour aller enquêter sur le lieu où je l’ai trouvé. Je ressens… une joie incroyable à pouvoir parcourir une si faible distance sans ma canne. Je marche sans inquiétude, sans malaise. Je sais où se trouvent les choses, et je n’ai pas besoin d’hésiter.

Merci. Je ne connais pas la personne ou la chose qui m’a amené ici, mais, peux-tu, encore un instant, me laisser vivre comme une… une personne normale ? Est-ce à cela que ça ressemble ? Marcher et savoir que le sol est et que je suis ici ?

Puis j’arrive à cette zone de vide où le monde s’arrête, et Durene a un hoquet de stupeur en voyant le nid.

“Des os ! Regarde-moi tous ces os minuscules, Laken ! Et là-bas… oh non.”

Elle aperçoit quelque chose au-delà de ma zone de détection et s’en approche. J’attends, en essayant d’assembler mes propres données sensorielles. Je sens bien qu’il y a des os dans le nid, mais je ne m’étais pas encore concentré sur leur taille. Il y a encore une différence entre ce que voit Durene et ce que je peux appréhender.

“Qu’est-ce donc ?”

“Je… j’ai trouvé le parent, Laken. Il… elle ? Elle est morte.”

Durene revient, un oiseau mort dans les bras. Je cligne des yeux en le sentant arriver dans ma zone et en assimilant la taille de l’oiseau. Il fait presque un tiers de la mienne !

“Ce n’est certes pas une moinelle.”

“Non.”

Durene a beau être une Demi-Trolle, son cœur pleure pour toute chose. Elle m’explique la façon dont elle est morte d’une voix bouleversée.

“Elle a dû mourir de froid. Regarde, là… oh, désolée, Laken. Elle se battait contre quelque chose, mais a été grièvement blessée. Elle saignait, et a dû perdre toute sa chaleur lorsque le froid s’est abattu sur elle.”

“Je comprends.”

Je pousse un soupir et Durene et moi marquons une pause, saisis d’une tristesse inattendue à la mort de cet oiseau. Je m’apprête à demander si on ne devrait pas l’enterrer quand je sens Durene plumer le cadavre.

“… Que fais-tu ?”

“Oh… je me disais qu’on pourrait la manger plus tard. Il fait toujours froid et rien n’est venu la grignoter, donc…”

Oh. Ah. Hum. Eh bien, j’ai déjà entendu parler de gens qui mangeaient les animaux morts sur les routes, et au moins, l’oiseau a été bien conservé. Je vais peut-être laisser Durene le manger, même si j’aurais moi-même bien besoin de viande…

“D’accord, laissons cela de côté pour l’instant. Et le nid ? Tu disais qu’il y avait des os à l’intérieur, c’est ça ? Des petits os ?”

“Oui. Ils sont très petits, mais… je ne connais aucun prédateur qui les aurait mangés en laissant l’oisillon que tu as trouvé en vie.”

“Non, c’est sûr.”

Mon esprit tire une conclusion malheureuse. Je me penche en avant et touche les os d’une main dépourvue de gant. Yup. Ils ont été bien nettoyés.

“Un prédateur ne tue pas les autres bébés. C’est l’oisillon qui s’en est chargé. Il a tué ses frères et ses sœurs pour survivre.”

Un son mécontent. Durene ne voulait pas en arriver à cette conclusion, mais c’est la seule qui fasse sens. Je me redresse et pousse un soupir.

“La nature dans toute sa splendeur. Mais je crois avoir une bonne idée de l’identité de notre oiseau mystère. C’est un aigle, n’est-ce pas ?”

“Je crois que oui. C’est peut-être un faucon — je ne suis pas [Chasseuse] donc je ne connais pas la différence. Mais il ressemble aux oiseaux qui essaient de temps à autre d’emporter un agneau, un porcelet, ce genre de choses.”

“Emporter un agneau ? Sérieusement ?”

J’avais déjà entendu parler d’aigles qui essayaient d’emporter des enfants, mais je croyais qu’il ne s’agissait là que d’un mythe populaire. Mais Durene a l’air sérieuse.

“Oh oui. Les [Bergers] et les [Fermiers] doivent faire attention. Un aigle peut descendre et s’envoler avec un agneau en un clin d’œil s’ils ne font pas attention. D’ordinaire, on essaie de faire en sorte que des archers leur tirent dessus d’abord, mais c’est difficile, à moins d’avoir assez de niveaux.”

“Eh bien, ce bébé aigle — je crois qu’on parle d’aiglon — est loin de pouvoir emporter quoi que ce soit dans un futur proche. Je pense qu’il est temps de faire un choix, Durene.”

“À quel sujet ?”

Elle a l’air remplie d’appréhension. Je prends un air chagrin, ou plutôt, un air qu’on m’a assuré être chagrin.

“Au sujet de le garder ou non.”

“Tu veux dire… qu’on le jetterait dehors, dans le froid ?”

Elle semble horrifiée. J’imagine que j’ai ma réponse. Nous retournons à sa chaumière. Durene s’arrête brièvement pour enfouir l’oiseau mort dans la neige plutôt que de l’amener à l’intérieur où l’oisillon pourrait le voir.

“Je réfléchis simplement aux problèmes. Un bébé aigle nécessite de l’attention, de la nourriture — pour l’attention, ce n’est pas très difficile, mais j’ai bien peur qu’il ne se nourrisse que de viande.”

“Oh.”

“Oh, en effet.”

Voilà pourquoi c’est un problème dans ce monde. Dans le mien, le plus gros obstacle consisterait à obtenir un permis pour élever un bébé aigle — il est considéré comme illégal d’en posséder un aux États-Unis, et je doute que les autres pays ne les considèrent comme des animaux de compagnies non plus. En héberger un présenterait un autre problème, j’imagine, et le dressage…

Mais ici, le problème, c’est la viande. Il n’y a pas vraiment de supermarché dans le coin, et Durene n’est pas riche. Moi si, mais ce n’est pas le cas de Rivechamp, et je ne sais donc de toute façon pas si les pièces d’or que j’ai déterrées m’y mèneraient bien loin.

“Je crois qu’on devrait s’occuper de lui.”, m’interrompt la voix de Durene. Je sens qu’elle est pratiquement en train de se tordre les mains, et sa voix est inquiète.

“S’il le faut, je peux trouver de la viande. Je pourrais poser un piège, ou aller chasser. Et j’ai… j’ai des porcs !”

Amusant qu’elle se soucie davantage d’un oisillon que j’ai trouvé que des porcs qu’elle élève depuis des années. Là encore, elle a dû se forcer à les considérer comme des sources de nourriture. Je hoche la tête et saisis le petit oiseau mécontent qui me donne des coups de bec sur les mains.

“D’accord, alors. Avec un peu de chance, on n’en arrivera pas là.”

“Tu penses vraiment qu’on va pouvoir l’élever ?”

Sa voix cache un soupçon d’espoir. Comme cela arrive souvent, je réalise qu’il s’agit là de quelque chose dont Durene a peut-être déjà rêvé, mais n’a jamais pu entreprendre. Un animal de compagnie. Ça paraît tout bête, mais pour elle, ce n’était probablement qu’un simple rêve.

“On peut essayer. Mais je dois te prévenir, Durene. L’oisillon mourra peut-être, quoi qu’on fasse.”

“Oh non.”

Le ton déjà chagrin, Durene contemple l’oiseau dans mes mains. Je trouve son bras d’une main et le caresse avec douceur. Mais je ne veux pas lui donner de faux espoirs. Je ne me fais pas d’illusions ; je ne sais pas élever des oiseaux, et ce petit est né trop tard. À moins que les oiseaux de ce monde ne puissent déterminer quand l’hiver arrive à cause de ces… Esprits de l’Hiver, et ne puissent donc qu’espérer.

Ces idées en tête, je commence à bâtir un nid plus permanent pour l’oisillon. Et j’ai compris que ce nid ne serait pas réutilisé ; le poussin a déjà considérablement couvert le bol de Durene de fientes.

“Il faut sans doute que ce soit plutôt grand. Oui… ça devrait le faire.”

Je souris à part moi en entendant Durene cajoler l’oisillon qu’elle tient contre elle, poussant des exclamations lorsqu’il lui picore les mains.

“Est-ce qu’il… a un nom ?”

“Pas encore. Comment voudrais-tu l’appeler, Durene ?”

“Oh… je ne pourrais pas. Pourquoi ne le fais-tu pas toi, Laken ? De toute façon, c’est toi qui l’as trouvé.”

J’acquiesce et prends l’oisillon des mains de Durene. Il se débat un peu entre mes mains, mais je tiens fermement ses ailes encore à l’état d’ébauche. Je baisse la tête et réfléchis un instant. C’est peut-être encore une fantaisie de ma part, mais je décide que quitte à m’occuper de cet oiseau, autant le faire comme il faut.

Je me redresse, pose le poussin sur son nouveau nid, et pose solennellement la main sur sa tête. Il ne bouge pas trop ; je prends une voix grave et m’adresse à Durene et au monde entier.

“Il est rare que je trouve un bébé oiseau par terre. Mais comme tu es là et que ta mère — ou ton père — n’est plus, c’est à moi de m’occuper de toi. Toi… le poussin.”

Le petit oiseau me picore la paume de la main.

“Arrête.”

Durene pouffe de rire. Je souris, et réfléchis quelques instants.

“Eh bien, en ce cas, je pense que je vais t’appeler Frostwing, car cela me semble approprié pour un oiseau venu d’un monde de fantasy. Ça sonne un peu ridicule, mais tu t’y habitueras. Et je t’accepte au sein de mon empire comme un sujet loyal, bien que bruyant.”

L’oiseau se tait un bref instant, puis je le sens bruisser sous ma main. Durene émet de petits roucoulements de ravissement.

“Aw ! Il fait sa toilette, Laken !”

“Je vais prendre ça pour un ‘oui’. Bon, finissons ce nid et décidons d’un endroit où le faire dormir. Je ne veux pas qu’il se balade la nuit.”

“D’accord !”

Et voilà. Encore un petit ajout à la chaumière. Je ne suis pas sûr de savoir si je le regrette ou non ; le petit Frostwing me picore les doigts quand il mange et défèque un peu trop pour mon confort. Il a un bec incurvé très tranchant. De plus, son cri assez perçant peut taper sur les nerfs…

Et pourtant, je ne vois pas comment cette rencontre aurait pu se dérouler autrement. L’aurais-je laissée mourir ici ? Non. Je n’aurais jamais pu faire ça. Et, en allant me coucher, Frostwing dormant au creux de son nouveau nid dans la cuisine, je ne peux m’empêcher de m’interroger. Je ne peux m’empêcher de me demander si cela avait été la même chose pour Durene lorsqu’elle m’a trouvé. Peut-être que j’étais un petit oiseau qu’elle avait trouvé dans la forêt. L’idée me fait sourire, je ferme les yeux et m’endors, le sourire aux lèvres.

[Empereur Niveau 5 !]

[Classe : Dresseur obtenue !]

[Dresseur Niveau 1 !]

[Compétence — Lien Mineur : Frostwing obtenue !]

“… Oh, dites-moi que c’est une blague.”

Jour 32

Pourquoi est-il si facile de gagner des niveaux ? Non, d’abord, pourquoi est-il aussi facile de gagner une nouvelle classe ?

Voilà ce qui me taraude, et vient donner de petits coups de coude à mon cerveau de temps à autre. Je n’ai vraiment pas de neurones à allouer à ce problème, cela dit ; je manque tellement de sommeil que j’arrive à peine à réfléchir.

La nuit a été longue, et le matin plus long encore. Durene dort, et je suis en corvée de nourrissage d’oiseau. Encore. Il apparaît que Frostwing, le petit aiglon tapageur doit être nourri toutes les heures. Ou du moins, c’est l’impression que j’ai eue la nuit dernière. Et comme Durene n’est pas aussi adroite que moi, c’est à moi de sortir du lit chaud et confortable et de nourrir la créature criarde en esquivant ses coups de bec acéré.

Est-ce que je regrette tout cela ? Oui et non. La classe aide bien. Vraiment. Parce qu’à présent, je peux me demander… que signifie ‘lien mineur’ ? Que sont les bénéfices de cette classe ? Va-t-elle simplement m’aider à élever Frostwing ? Ou y a-t-il des bénéfices valables ?

Pour l’instant, le seul bénéfice que je ressens, c’est que je sais la quantité que je dois donner à Frostwing. On dirait une sorte d’intuition — je sais si l’oiseau a besoin d’un autre morceau, ou si le gaver — la gaver — la ferait vomir son repas. C’est une information précieuse, comme celle de son sexe.

Mes sens d’[Empereur] ne me permettent pas de le savoir, et je n’allais certainement pas aller chercher ça avec mes doigts. Mais Durene a vérifié, et l’oiseau est bel et bien une femelle. Tant mieux pour elle.

Mais revenons-en à ma classe. J’ai obtenu la classe de [Dresseur]. C’est tout naturel que je l’aie obtenue. Mais pourquoi ai-je gagné des niveaux dans ma classe d’[Empereur] ? Réfléchissons.

Je gratouille Frostwing qui tire sur un morceau de viande. Elle me picore le doigt. Je me frotte un œil et fronce les sourcils.

L’intention. L’intention et le but. J’étais entièrement résolu à garder l’aiglonne — Frostwing, en vie. Et pas seulement ; j’ai coché une sorte de critère dans ma classe d’[Empereur]. Il est logique que gagner de l’expérience en tant qu’[Empereur] impliquerait de faire croître mon royaume et recruter de nouveaux sujets d’une manière ou d’une autre.

Mais sérieusement ? Un bébé aigle vaut un niveau d’[Empereur] ? Non… non, attendez une minute. Ce n’est peut-être pas juste une question de nombre, mais quelque chose d’autre. Durene était ma première vassale, mais elle est venue avec la classe. C’est la première fois que j’ai déclaré ma souveraineté sur un autre être, et après l’avoir sauvé de la mort au sein du territoire de mon empire, par-dessus le marché.

C’est la seule explication qui me vienne. Que c’est déconcertant. Si seulement il existait un mode d’emploi, ou une page Wikipédia, ou autre chose sur laquelle s’appuyer. Mais, partant du principe qu’il s’agisse d’un jeu, ou de quelque chose de similaire, le plus divertissant resterait d’en découvrir les règles. Et d’exploiter le moindre secret que l’on découvrirait.

Pic. Poc. Pic. Poc.

Je ne cesse d’appâter Frostwing, la laissant viser mes doigts et les retirant vivement avant qu’elle n’ait eu le temps de me donner un coup de bec. C’est, eh bien, plutôt rigolo, même si les coups de bec le sont moins. Mais je dois bien m’amuser, parce que Durene se réveille en un rien de temps.

“Laken ! Est-ce que c’est du sang sur ton doigt ?”

“En effet. Je crois que j’étais trop absorbé par notre jeu.”

“Tu joues depuis combien de temps ?”

“Je ne sais pas. Des heures ? Je lui ai donné à manger deux fois.”

Deux fois ?

Je ne résiste pas très bien au manque de sommeil. Enfin, je ne pense pas que qui que ce soit y soit particulièrement résistant. Une fois mieux réveillé et après avoir ingurgité une tasse de thé — que ne donnerais-je pas pour un espresso — Durene et moi nous attaquons aux affaires pressantes. Nous ne restons pas toute la journée dans la chaumière, même si l’option est tentante par ce froid.

Notre objectif de la journée est en fait assez simple : pour remplacer la saucisse quasiment terminée, Durene et moi devons trouver à manger pour Frostwing. Elle ne veut pas tuer un de ses cochons et je ne peux la blâmer. Ils ne sont pas encore tout à fait adultes, et ce serait un terrible gâchis, même si nous en mangions un peu nous aussi.

De plus, je n’ai pas vraiment le cœur à le faire. Ce qui m’est possible, cela dit, et qui m’est venu à l’idée en nourrissant Frostwing avec un peu plus de saucisse, c’est de mettre à profit mes sens d’[Empereur] pour autre chose que de l’orientation.

“Juste là.”, murmuré-je à Durene tandis que nous nous tenons à côté d’un tronc d’arbre. Elle reste silencieuse un instant.

“Trouvé. C’est un petit trou.”

“Tu veux que je… ?”

“Non. Je gère.”

Durene prend une grande inspiration, puis je l’entends plonger la main dans le creux du tronc. Des jacassements inquiets et des mouvements frénétiques accompagnent l’entrée de sa main dans le nid d’écureuils, puis…

“J’en ai eu un.”

J’ai entendu le craquement. J’ai le cœur au bord des lèvres, mais je sais que ce n’est pas terminé. Trois écureuils nichent — nichaient — dans le tronc de l’arbre que j’ai scanné. Durene attrape résolument les deux autres et leur brise prestement le cou.

“C’est fait, Laken. Je vais les sortir, si tu peux les tenir pour moi…”

“Compris.”

Elle n’aime peut-être pas tuer des créatures, mais elle le fait avec efficacité. Je tiens les créatures étonnamment lourdes dans mes mains, et grimace en sentant leurs cous se balancer.

“Je me sens mal.”

“… Ouais.”

C’était une idée. Si je peux sentir Frostwing, qu’en est-il des autres créatures ? Il s’est avéré que je pouvais au moins trouver les nids d’écureuils, en me concentrant. Est-ce que c’est juste ? Non. Mais on n’a plus de viande et Frostwing a besoin de manger. Il fallait donc le faire.

Une fois la tâche accomplie, Durene et moi rentrons à la chaumière. Elle a aussi pris les glands que les écureuils avaient stockés ; on peut les moudre. Durene ne gaspille jamais de nourriture. Une fois à la cuisine, Frostwing se met à piailler, au comble de l’excitation. Trois écureuils sont prêts à être écorchés, et je dois aider à accomplir cette tâche macabre. Il ne serait pas juste de ma part de me défiler.

“Hum. Je crois qu’il faut qu’on… avec la tête…”

“Je vais le faire.”

C’est une tâche sinistre, qui implique de trancher et de scier des os, comme ni elle ni moi ne sommes doués pour dépiauter les animaux. Durene n’est pas une chasseuse, et lorsqu’elle trouve des animaux, elle demande généralement à quelqu’un de les lui préparer en échange d’une part de la viande. Elle n’a même pas pu se résoudre à manger la mère de Frostwing — après en avoir un peu débattu, nous avons enterré son corps à moitié plumé juste derrière le jardin.

Au moins, je ne vois pas ce que je fais. Durene m’assure qu’en ce cas précis, c’est une bonne chose. Bon, pour être honnête, je n’apprécie pas les bruits mouillés et le… reste. Mais ce n’est pas moi qui me retrouve obligé de sortir de la chaumière d’un pas mal assuré pour respirer un peu d’air frais.

“Durene ? Je crois que j’ai terminé.”

Durene emporte en silence les fourrures et les morceaux non comestibles à l’extérieur. Je sens qu’elle enterre les morceaux. Elle revient ensuite, reniflant un peu, mais résolue à se montrer brave.

“Au moins, Frostwing pourra manger. C’est… c’est pour elle qu’on fait ça.”

J’acquiesce. Le poussin exige déjà un morceau de viande sanguinolente, et on pourra congeler le reste, même s’il nous faudra faire attention aux charognards. Bigre, on pourrait probablement les tuer.

Durene frissonne légèrement pendant que je place la viande dans un bol. Je me lave les mains à l’eau une fois Frostwing nourrie, puis je m’approche d’elle.

“Est-ce qu’ils t’ont mordue ?”

“Un peu. Mais… ça va. J’ai la peau dure et je leur ai fait bien pire.”

Elle a l’air malheureuse. Et rongée par la culpabilité. Je lui prends délicatement les mains pour m’assurer qu’elles sont indemnes. La peau dure. Mais un cœur si terriblement fragile.

“Tu as une belle âme.”

J’embrasse doucement Durene sur la joue. Elle rougit — je le sens. Puis, bien naturellement, nous enchaînons sur autre chose. Heureusement, Frostwing ne nous interrompt pas plus d’une fois.

Quoi ? Ce n’est pas comme s’il était difficile de deviner les occupations hivernales des gens de ce monde. Et Durene et moi découvrons tous deux ces choses-là. Mais je pourrais l’embrasser sans jamais m’arrêter. Je pourrais m’asseoir et discuter avec elle jusqu’à l’aurore. Et c’est ce que je fais. Nous faisons d’autres choses, bien sûr, mais parfois, ça vaut le coup de simplement s’asseoir à côté de quelqu’un que l’on…

Aime.

[Dresseur Niveau 2 !]


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